filmé en 16mm- couleur/ Belgique/ 1999-2013/ 323 minutes
production DOVFILM
co-production les Films du Centaure (Montréal) , le Centre de l’Audiovisuel à Bruxelles (C.B.A.), Sophimages (Brussel)
avec l’aide du Centre du cinéma et de l’audiovisuel ,
de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Région Bruxelles-Capitale
du Studio national des arts contemporains Le Fresnoy
du Fonds audiovisuel flamand (V.A.F.)
de la Fondation Boris Lehman
Image Antoine-Marie Meert
Son Jacques Dapoz
Montage Ariane Mellet
Mixage Simon Apostolou
Etalonnage Isabelle Carlier
Conformation Théophile Gay-Mazas
Musiques originale Matthieu Ha, Phill Niblock
Assistanat Juliette Achard
Scénario et réalisation Boris Lehman
Pour voir la bande-annonce du film, sous-titrée en anglais :
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Mes Sept Lieux commence au moment où je suis expulsé de plusieurs lieux qui me sont chers. Qui me servent tout aussi bien de domiciles que de lieux de vie et de travail.
C'est le début de mon errance urbaine qui me fera faire en dix années un périple de tros cent mille kilomètres avant de revenir à peu près à mon point de départ.
Une aventure physique autant que métaphysique.
Fragments de films documentaires, de journal intime, de notes de chevet, de bouts de fiction , Mes Sept Lieux est un essai sur le temps qui passe, agrémenté d'un fatras de réflexions légères et graves, en définitive une tentative tout simplement d'exister.
C’est le quatrième épisode de la fiction autobiographique Babel, commencée en 1983.
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Parcourir tous les lieux de ma vie, revoir et filmer mes amis : tout un programme.
C'est ce que j'ai essayé de faire, et cela m'a pris plus de 10 ans (1999-2010).
Le film - divisé en 10 parties - se présente sous la forme d'une mosaïque, de petits films imbriqués les uns dans les autres, reliés entre eux comme dans une vaste fresque ou une tapisserie.
Autant de chapitres qui me permettent de prendre une certaine distance avec l'autobiographie brute et avec la chronologie qui aurait été à la longue ennuyeuse et rébarbative.
Le film gagne ainsi dans son aspect philosophique, car pour moi le film est davantage une réflexion sur ma façon de vivre plutôt qu'un simple reportage sur ma vie.
Le 6 décembre 1999, j’ai été expulsé de l’appartement - plutôt un arrière-grenier - que j’occupais depuis 10 ans, rue Antoine Labarre, à Ixelles. Expulsé par la propriétaire qui, sûre de son droit, avait déjà arraché quelques mois auparavant la serrure de sécurité que j’avais placée à la porte d’entrée, sous prétexte qu’elle n’était pas d’origine. Arraché aussi le polygonum grimpant qui tapissait la façade d’un vert vif jusqu’au balcon.que nous avions planté , ma co-locataire et moi un an auparavant. Cassé en- dessous et au-dessus de l’endroit où je dormais, en faisant entrer ses ouvriers sous prétexte de travaux urgents qui n’avaient jamais été faits pendant les10 années que je vivais là, dans l’humidité et la moisissure, le froid, les courants d’air et la mérule.
Le 6 décembre, c’est donc le jour de mon « déménagement », le jour aussi de l’enterrement de Rachel, ma co-locataire, partie quelques mois plus tôt, atteinte d’un cancer irrémédiable.
Elle savait où elle allait. Moi non.
Dans mon rêve de tout rassembler, la maison, les amis et les films, je me suis retrouvé à devoir tout disperser, moi le collectionneur, celui qui ne jette jamais rien, qui garde tout comme des reliques et des fragments de son propre corps.
Un ami me disait que j’organisais ma vie pour la filmer. Non, ma vie s’est organisée hors de ma volonté.
Je passe donc le plus clair de mon temps à marcher d’un lieu à l’autre et le film d’aujourd’hui va montrer quelques fragments de ma vie nomade entre le 6 décembre 1999 et le 6 décembre 2010, une décennie qui aura duré 11 ans !
Mijn Zeven Plaatsen vangen aan op het moment dat ik buitengezet werd uit een aantal plaatsen die mij dier zijn. Ze dienden me goed als woon -en werkplaatsen. Het betekende de start van mijn stedelijke zwerftochten, die 10 jaar zouden duren over een afstand van 300 000 kilometer, vooraleer ik ongeveer terug bij het startpunt uitkwam. Het avontuur was zowel fysisch als metafysich een beproeving. Met fragmenten van documentaire films, van een intiem dagboek, van nachtkast notities, van stukjes fictie, is Mijn Zeven Plaatsen een essay over de tijd die verstrijkt, doorweven van reflecties van lichte en meer diepzinnige aard, maar het is ook een poging om simpelweg te bestaan. Terugkijken op alle plaatsen in mijn leven, mijn vrienden opzoeken en filmen: het is een groot project. Het heeft me dan ook 10 jaar genomen (1999-2010). De film - onderverdeeld in 10 delen - stelt zich voor als een mozaïek, stukjes film die onderling verbonden zijn, en gelinkt zijn als in een fresco of een wandtapijt. De vele hoofdstukken staan mij toe afstand te nemen van een brute autobiografie en van een chronologische opvolging, wat uiteindelijk saai en irriterend zou zijn. De film wint door het filosofisch aspect, want voor mij is de film bovenal een reflectie op mijn manier van leven, eerder dan een eenvoudig verslag van mijn leven.
My Seven Places starts at the moment I was evicted from several places which are dear to me. They served me well as homes, both as places for living and working. This was the start of my urban wandering, which would take me ten years ó a journey of 300,000 kilometers ó before returning just about to my starting point.
The adventure was both physical and metaphysical.
Fragments of documentary films, a personal diary, bedside-table notes, pieces of fiction, My Seven Places is an essay about passing time, embellished by a jumble of reflections both light and serious; finally, it is an attempt to simply exist.
To look back over all the places of my life, to revisit and film my friends: itís a huge project. That is what I have tried to do, and it has taken me more than 10 years (1999-2010).
The film ñ divided into 10 parts ñ is presented in the form of a mosaic, little films intertwined with one another, interconnected like in a vast fresco or tapestry. The many chapters allow me to take a certain distance from raw autobiography and from chronology, which would have ended up being boring and irritating.
The film wins out in its philosophical aspect, because for me the film is mainly a reflection on my way of living, more than a simple report of my life.
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On 6 December, 1999, I was evicted from the flat actually a lowly attic/back shack where I had been living for the previous 10 years, in Antoine Labarre Street, in Ixelles. Evicted by the landlady who, convinced that the law was on her side, had already torn off a few months before the safety lock I had placed on the front door, with the feeble excuse that it hadn’t been there originally. Also torn off, the climbing polygonum covering the façade in bright green up to the balcony which my co-tenant and I had planted a year before. Broken below and above the place where I slept, on the pretext of urgent works that had never been undertaken in the ten years I had been there, in dankness and mildew, cold, draughts and dry rot.
6 December, the day I have to ‘move’, the day also that my co-tenant, Rachel, who had left a few months before, struck by an incurable cancer, was buried.
She knew where she was going, I didn’t.
In my dream of gathering everything together, house, friends and films, I ended up having to disperse everything, arch-collector that I am, never throwing anything away, keeping everything as relics and fragments of my own body.
A friend told me I organised my life so as to film it. Actually my life has organised itself outside my will.
I therefore spend the best part of my time walking from one place to another and this film is going to show a few fragments of my nomadic life between 6 December 1999 and 6 December 2010, a decennium that turns ou to have lasted 11 years!
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Cher Boris,
Comme disait Marguerite Duras, l'important ce n'est pas de savoir pourquoi, c'est d'y aller. Le film commence par une expulsion, un déracinement. Quitter le lieu qu'on a habité, aimé pour aller ailleurs, dans le grand nulle part du monde, chez les uns et les autres en attendant. On assiste à ton déménagement, au grand emballage de ta vie et ça dure des caisses et des caisses, jusqu'à porter d'une certaine façon avec toi ce déplacement du temps et de l'espace. Une sorte de partage du temps ensemble, du temps incertain, du temps passé et en devenir. L'important est d'en finir, de mener le projet à bien, dans une efficacité redoutable aux gestes précis. Presque à la chaîne, sans répit. Ne pas perdre de temps car le temps c'est de la vie... Porter, déporter... Ne pas stagner. Agir en toute circonstance. Aller-retour incessant. Détours aussi sur toi-même, sur des extraits, des passages de ta vie, dans une sorte d'archéologie de toi-même. Déroute intérieure et extérieure. Les deux conjugués. Le corps éreinté, fatigué par l'effort de porter et se porter, de classer l'inclassable, de ranger, d'emballer et déballer... Tu quittes, tu sors, tu marches, tu cours, tu passes et repasses d'un pas toujours pressé dans les lieux de ta vie...le tout dans une sorte d'errance solitaire sans destination précise. Une vie de nomade avec des lieux d'attache(ment) : Ici va vivre Boris Lehman. Enumération des lieux : lieux de vie, lieux de cinéma, lieux des départs et des arrivées (gare), de retrouvailles (café), de déambulations... (re)Trouver les lieux en se perdant. Sur ta trajectoire toujours incertaine, chaotique parfois, tout peut arriver, sachant que l'avenir n'est rien et le présent est tout. La disparition et les transformations des lieux. Disparition et réapparition des amis. Tu les filmes pour ne pas les voir partir, pour ne pas les quitter, ne pas les oublier. Retenir un peu de leur âme dans les images filmées. Alors oui, l'important n'est pas de savoir pourquoi, c'est d'y aller. Tout est une question de faire le pas. Le pas d'aller vers l'extérieur de soi-même d'abord à marée basse (dépression) et puis à marée haute dans une sorte d'envolée lyrique magistrale dans une course folle contre le temps, désespérée et enivrante pour assister à un naufrage inexorable, une bataille perdue d'avance, un destin qu'on ne possèdera jamais. L'arrivée sonne dès lors comme un point de départ.
Karine de Villers
Critique de Steven Lemaçon :
www.cinergie.be/webzine/mes_sept_lieux_de_boris_lehman
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